Chloé Poey-Lafrance

© Carlos Casteleira
L’eau était calme, figée sous une fine couche de gel. Elle était d’un mat intense, rien ne s’y reflétait.
Elle était impénétrable.
Elle longeait le pan des montagnes, qui elles-mêmes ne laissaient entrevoir que des fragments de leur corps. Des corps inanimés comme avalés par un amas de nuages.
Un bout de sommet enneigé apparut. De haut en bas : gris souris, pointes de blanc sur gris acier, des verts pentus par dizaine et une voiture d’un rouge éclatant. Le sommet enneigé disparut aussitôt.
Tout était d’une lenteur sans pareil. Presque inerte, baigné dans une ambiance morose d’une grande douceur.
Ici, tout se rencontre, tout se croise, tout se chevauche, tout se mélange.
Plus elles avançaient, moins il y avait un en-dessous. Depuis quelques heures, elles vivaient sur des dizaines d’horizontalités différentes.
Ici, tout était en apesanteur.
Comme des flammes, les montagnes vascillaient.
Il y avait du mouvement. Un mouvement figé et contemplatif.
Le bras du Sognefjord restait inerte et mystérieux, comme abyssal.
Extrait du mémoire Aurlandsvangen, écrit en 2021 et activé par une lecture en 2022